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8 mai 2010

Chroniques martiennes - Ray Bradbury

chroniquesgrandSF

Bradbury nous raconte la conquête de Mars depuis le début en 1999 jusqu’à la fin en 2005, avec un petit épilogue en 2026. Certes, ça fait drôle, parvenus en l’an de grâce 2010, ce hiatus temporel (et le même m’attend avec 1984), ce décalage entre le futur imaginaire, et une réalité qui a pris une toute autre direction. Un comique inattendu jaillit de mentions telle que le phonographe en 2001. de même on mettra de côté les invraisemblance scientifiques ( allez savoir pourquoi sur la planète rouge, Bradbury a décidé que le sable serait bleu !)

Mais, dans le fond, le sous-entendu est limpide : la conquête de mars, la civilisation martienne réduite à néant, les martiens décimés par la varicelle, les survivants pourchassés et retranchés dans les montagnes, l’exploitation de mines dans les déserts martiens, les villes qui poussent comme des champignons pour disparaître moins de cinq ans plus tard… Ça rappelle quand même sacrément la conquête de l’ouest et la ruée vers l’or, tout de même.

Bon sang mais c’est bien sur, ce que Bradbury raconte sous couvert de science fiction, c’est l’histoire de l’Amérique- massacre des autochtones compris- condensée sur quelques années, avec un humour noir et une férocité  jubilatoire. Bien sur, si on se contente de le lire comme de la science fiction, ça n’a rien de spécialement défrisant. Mais lorsque l’auteur appuie la où ça fait mal , qu’est-ce que c’est réjouissant. Car la chronique se transforme vite en tir à vue sur tous les travers de la société américaine ( et occidentale). Certes il y a quelques passages un peu moins bons, notamment les courtes transitions, mais le plus souvent, il fait mouche. Tous les travers de la société contemporaine de l’auteur en prennent pour leur grade : la conquête forcenée (jusqu’à l’installation d’un stand de hot-dog au milieu de nulle part, qu’avait prédit Spender, éphémère personnage principal d’une seule nouvelle, et pourtant le plus marquant), la ségrégation raciale ( avec la migration en masse des noirs d’Amérique vers Mars, laissant le Ku-klux-klanKu-klux-klan seul face à sa bêtise désoeuvrée), la bureaucratie galopante et sans cervelle, qui après avoir éradiqué l’imagination de la Terre entend bien faire de Mars un monde exclusivement réaliste ( avec une variante de la chasse aux sorcières non plus dirigée vers les communistes, mais vers les créatures imaginaires – fantastique et science fiction radiées de la mémoire collective via des autodafés radicaux. Poe, Caroll, Lovecraft et consorts au bûcher! ).

Jusqu’à la chute, le rappel des colons, la Terre qui s’enlise dans un conflit nucléaire sans fondement ( la nouvelle « Il viendra des pluies douces » est à ce titre une des plus glaçantes, avec une allusion à Hiroshima très directe, et la technologie qui continue de fonctionner bien après la disparition de l’humain, froide, mécanique, au service d’une civilisation terrienne moribonde qui a déserté les lieux depuis longtemps, simulacre de vie dérisoire et absurde).

Et à l’autodafé terrestre de l’imaginaire (Usher II) correspond, in fine, un autre autodafé martien, beaucoup plus réjouissant et libérateur ( je n'en dirai pas plus à ce sujet pour ne gâcher le plaisir de personne)

happydance

De la science fiction, oui, mais d’une finesse rare sous une bonne couche d'humour noir et qui invite à la réflexion en retournant l’histoire comme un gant, je dis un grand bravo. Ce livre mérite son statut de monument de la littérature d’anticipation (enfin, en espérant qu’il reste de la SF plutôt que de l’anticipation, je ne rentrerai pas dans les détails techniques des deux genres, vous saisissez l’idée)

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Commentaires
B
After read blog topic's related post now I feel my research is almost completed. happy to see that.Thanks to share this brilliant matter.
P
oui, je n'ai pas vu le film, mais j'ai totalement craqué sur la tronche qu'ils ont faite à Marvin ( pas vu la série télé non plus d'ailleurs). Va falloir que je songe à me faire une catégorie "films" maintenant.
D
ça fait vraiment plaisir de partager un tel monument avec d'autres.<br /> Comme dit l'autre, ça va loin, et j'ai envie de considérer les chroniques comme un monument de la littérature tout court. La SF a le chic pour aborder sans avoir l'air d'y toucher des questions drôlement sérieuses.<br /> PS: il faut que je me procure d'urgence le guide du voyageur galactique (il y en a une adaptation complètement déjantée avec le "Hitch Hiker Guide to Galaxy")
P
héhé, ça m'éclate de faire des commentaires de lecture comme au bon vieux temps du collège, avec en plus le petit détail qui fait plaisir: en parler à la première personne. Mais j'aime argumenter, décortiquer, comprendre...sortir du " c'est bien parce que c'est cool, c'est cool donc ça me plait, ça me plait donc c'est bien".. après tout le but du jeu est de convaincre les autres de tenter la lecture ;)
G
Et bien, un petit coup de coeur pour ta première lecture pour le défi, hein ? Bien heureuse. Tu as une façon bien à toi de présenter les livres et j'adore ! Tu nous fait réfléchir. Trop rarement, je pousse mes idées plus loin que les lignes elle-même :$ Dans ma jeunesse, j'ai lu un peu trop de Bradbury pour même avoir le goût de m'y remettre mais tout de même, qui sait peut-être un jour ...
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